LÆTITIA DE COZAR : Graphothérapeute, à Rouen

FOIRE AUX QUESTIONS

Est-ce une bonne idée de faire faire des lignes à ses enfants ?

En tant que parent, lorsqu’un de nos enfants a des soucis en matière d’écriture, le réflexe naturel est de vouloir l’aider. Dans cette démarche, généralement on trouve un cahier neuf et l’on entame un long et fastidieux travail quotidien ou plusieurs fois par semaine : s’attacher à lui faire faire des lignes d’écriture.

Dans la majorité des cas, voire la totalité, c’est l’échec. On passe du temps, l’enfant pleure parfois, et malgré cela il ne progresse pas ! Ces efforts de chacun restent infructueux, car en faisant faire des lignes on ne tente de résoudre que la partie visible de l’iceberg. Les difficultés d’écriture ne résultent pas seulement d’une mauvaise réalisation des formes, et jamais d’une mauvaise volonté. Car aucun enfant ne fait exprès de mal écrire.

L’empêchement de l’enfant résulte avant tout de difficultés sous-jacentes qui ne seront pas solutionnées à travers cet exercice familial. 

Ainsi il ne peut pas y avoir de progrès tant que l’on n’a pas remis en place les fondamentaux comme : la tenue du stylo, la respiration, la pression sur la feuille et le stylo, la répartition du poids du corps, la maîtrise d’une ligne, … car dans l’écriture interviennent plusieurs dizaines d’items. Chaque enfant a ses difficultés propres dans lesquelles entre la combinaison elle-même des obstacles entre eux. C’est pourquoi, pour chacun l’approche doit être spécifique…. Et c’est là que j’interviens !

Que faire si on ne peut se rendre chez un graphothérapeute ?

Des visios ! Depuis une dizaine d’années, j’accompagne en permanence des enfants et adolescents de tout âge en visioconférence et les résultats sont identiques à ceux des séances en présentiel. Les enfants habitant en zone rurale, dans les Dom-Tom ou à l’étranger, peuvent profiter du même accompagnement, à la fois personnalisé, ludique et pédagogique. Cela peut également se mettre en place tout ou partie pour des questions de maladie,  d’organisation de la famille ou tout simplement afin de limiter les déplacements.

Quel stylo choisir pour son enfant ?

Dans les rayons de fournitures scolaires l’étendue du choix des outils pour écrire peut laisser perplexe, notamment si l’on veut aider son enfant et ne pas être influencé par le marketing ambiant.

Pour les enfants de maternelle

À leur âge, la position sur le stylo n’est pas encore fixée, il peut être intéressant d’utiliser un petit objet technique : le cale-doigt ou “grip”. D’un coût d’un euro environ dans toutes les bonnes papeteries, il s’agit d’un embout inusable que l’on positionne sur le crayon de son choix. Cela permet à l’enfant d’enregistrer une excellente position des doigts sur le stylo. Car avec le grip, il est quasiment impossible de mal le tenir.

Pour les enfants du primaire et les adolescents

Quand on se tourne vers des stylos techniques (les stylos avec encoches, par exemple), c’est qu’il y a alors un souci dans la tenue du stylo. Le marketing est alors très convaincant mais, malheureusement, ces stylos ne permettent pas de modifier durablement la tenue. Généralement ils coûtent cher, durent peu longtemps et finalement, à l’instar de bien des cahiers de vacances, finissent abandonnés dans un tiroir du bureau.

À partir du CE1, si la tenue n’est pas stabilisée et qu’elle pose problème  (douleur, lenteur…), ce souci doit être travaillé avec un professionnel qui saura, en quelques séances, y remédier. Ainsi, si l’écriture ne peut se faire qu’avec un stylo caoutchouté c’est que d’autres items, en plus de la tenue, ne sont pas correctement installés : on peut citer notamment la pression trop puissante sur le stylo. Ce n’est alors pas le stylo qu’il faut changer, mais bien le geste de l’écriture qui doit être fluidifié par un travail spécifique. 

Pourquoi beaucoup de gauchers ont des difficultés en écriture ?

Dans le domaine du graphisme, tout rend l’écriture plus complexe pour le gaucher car tout est fait pour les droitiers (matériel, livres, cahiers, sens de l’écriture…).

Tout d’abord, le gaucher, voyage à contre-courant : son sens naturel est celui qui va de droite à gauche, or on lui demande en permanence d’aller à contre-sens. Cela génère fatalement de nombreux blocages et inhibitions. 

Ensuite, le gaucher ne voit pas la pointe du stylo, donc pas la ligne qu’il ne peut donc suivre avec précision. On lui demande de bien écrire en « fermant les yeux » en quelque sorte… tâche dont nous conviendrons tous qu’elle est pour le moins ardue. Parallèlement à cela, il efface ce qu’il écrit au fur et à mesure du déplacement de la main. Aussi, fréquemment la position de la main est pénalisante : il la place le plus souvent au-dessus de la ligne sur laquelle il écrit (en bec de cygne) ; la main est ainsi repliée, ce qui génère des tensions et une absence de souplesse et de fluidité, voire même des douleurs. 

Enfin, d’un point de vue scolaire, tout est expliqué en classe pour les droitiers. Il est très net que le gaucher est souvent davantage livré à lui-même en classe : les gauchers sont fréquemment laissés seuls face à une tâche plus complexe, et doivent trouver seuls des accommodements pour parvenir à écrire, bien que rien ne soit fait pour eux.

Car être gaucher ne consiste pas à faire la même chose que les droitiers, mais à l’envers ! Il n’y a pas de symétrie possible dans les gestes et les postures. Ainsi, il y a des techniques spécifiques que les gauchers doivent mettre en place. Ces techniques ne peuvent pas être inventées par les enfants seuls et c’est pourquoi ces derniers ont besoin d’une aide extérieure

Ils trouvent ainsi en eux-mêmes des ressources, et des petites « combines » pour écrire sans trop de difficulté mais sont rarement accompagnés dans ce processus, et encore plus rarement corrigés. Donc, à l’âge où les enfants doivent assimiler les fondements de la calligraphie, stade pré-calligraphique, ils doivent se « débrouiller » et  tendent à enregistrer des habitudes plus ou moins bonnes qui, ensuite, bloquent parfois leur évolution. 

Un manque de bases et de mauvaises habitudes expliquent ainsi que de nombreux gauchers soient « fâchés » avec l’écriture.

Pourquoi les enfants précoces sont nombreux à avoir des difficultés en écriture ?

Les enfants précoces sont nombreux à avoir des difficultés graphiques. Beaucoup d’entre eux sont lents, ont une écriture qui paraît peu soignée, et certains éprouvent même des douleurs. Il peut paraître paradoxal que ces enfants doués, pour lesquels les notions complexes semblent faciles à intégrer, se retrouvent ainsi en difficulté dans un domaine où des enfants sans qualités particulières excellent pourtant. 

Or, il n’y a pas de paradoxe à cela. Ces difficultés résultent exactement de leurs grandes capacités, et font partie intrinsèque de leur fonctionnement psychologique. 

Ainsi, tous les exercices qui mettent l’écriture au centre en tant que finalité peuvent les rebuter, car pour eux, l’écriture est seulement un moyen. Les enfants précoces ont soif de découverte, leur intelligence fine a besoin d’être nourrie. Or, l’apprentissage à l’école de l’écriture se fonde essentiellement sur la répétition (faire des lignes notamment).

Cette pédagogie est souvent contre-productive pour eux car ils ont un besoin impératif que l’esprit soit sollicité, tandis que les « lignes », ont tendance à être un exercice machinal dans lequel l’esprit tient peu de place. Faire à chaque instant des choses nouvelles est leur leitmotiv, et dès lors l’apprentissage de l’écriture devient une tâche pénible car répétitive. 

Ensuite, ils considèrent très souvent l’écriture comme une contrainte du fait que son geste ne soit pas aussi rapide que leur pensée. Cette dichotomie entre le rythme de sa pensée et celui de sa main est source de grandes frustrations qu’accompagne un sentiment d’échec : ne pas réussir à faire coïncider les deux, ce qui est par ailleurs impossible.

Au final, les difficultés des enfants précoces proviennent essentiellement du fait qu’ils n’ont pas abordé tous les stades calligraphiques pour les raisons que nous avons évoquées plus haut, phénomène parfois renforcé par des sauts de classes en maternelle ou en primaire.

Quelles sont les causes des difficultés d’écriture ?

Les difficultés d’écriture proviennent toujours au moins en partie d’un manque de base en la matière, du fait que l’enfant n’a pas abordé tous les stades calligraphiques. On demande à l’enfant de bien écrire, mais il ne sait pas ce qu’il faut faire pour cela (suivre une ligne, bien former les lettres…), d’autant plus qu’il est probable que la gestuelle soit à reprendre également.

Dès lors, il considère l’écriture comme une contrainte car il lui manque des bases. À ce manque, le soutien dans le cadre scolaire ne parvient pas toujours à répondre car les causes des difficultés sont multiples et sous-jacentes. C’est ainsi que faire faire des lignes ne peut solutionner la question puisqu’il ne s’agit que de la partie visible du problème. En réalité, il convient au préalable de solutionner les obstacles plus profonds de chaque enfant, sans quoi aucun progrès n’est possible : tenue du stylo, position du corps, de la main, respiration, pression, ou même encore stress et peur. L’enfant qui est en difficulté est aussi très souvent en souffrance : il se heurte fréquemment à l’incompréhension de l’adulte qui pense qu’il ne fait pas d’effort et est entraîné dans une spirale négative, voire de dévalorisation.

Or, aucun enfant ne fait exprès de mal écrire, mais quand on lui demande de mieux faire, il ne sait pas comment s’y prendre..

Pourquoi les difficultés en écriture nourrissent une mauvaise estime de soi de l’enfant ?

L’écriture est un miroir de soi-même. Lorsque l’enfant produit un document écrit qui est brouillon ou sale, il perçoit lui-même, dès les premières classes, qu’il donne une mauvaise image de sa personne aux autres. Mais surtout, il est alors frustré de ne pouvoir montrer, à travers ses écrits, la grande valeur qui est en lui. 

Ainsi, le fait de ne pas parvenir à produire un document satisfaisant quand les autres y parviennent est une souffrance. Cette situation conduit à des stratégies de fuite, d’évitement et d’auto-censure qui sont préjudiciables à la réussite scolaire.

Écrire de façon fluide et harmonieuse, c’est évidemment maîtriser une compétence, mais bien plus encore : à travers l’écriture, on se projette, on inscrit sa trace. 

Que penser du remplacement de l’écriture manuscrite par le numérique ?

Depuis au moins une décennie on entend constamment parler de l’introduction du numérique à l’école. Doter les élèves de tablettes est pour certains pédagogues un bienfait.

Or, progressivement, après certaines expérimentations, on se rend compte que le bénéfice n’est pas si net. À tel point que dans les écoles de la Silicon Valley, où sont scolarisés les enfants des employés de Google, Facebook ou encore Amazon, on évite d’utiliser les tablettes pendant les cours. 

Les méfaits du numérique sont à présent bien connus : 

  • Déficit de concentration (& accentuation du manque attentionnel),
  • Déficit de mémorisation,
  • Déficit de créativité et d’imagination,
  • Lacunes dans la pratique de l’écriture.

Universellement, on constate que ne pas pouvoir produire un document écrit est un obstacle, voire un handicap et une souffrance. C’est pourquoi, tout en les aidant à maîtriser le numérique, les enfants doivent être accompagnés pour qu’ils continuent à pouvoir laisser une trace écrite, une empreinte d’eux-mêmes, qui soit en harmonie avec ce qu’ils sont, et dont ils puissent être fiers.

L’ordinateur peut être une béquille dans certains cas, mais il ne doit pas empêcher de travailler sur le fond, afin de permettre à l’enfant ou à l’adolescent de progresser et de retrouver l’autonomie.

Il ne faut donc en aucun cas refuser l’intégralité du numérique car il y contient énormément de bénéfices, mais son utilisation doit rester contenue et limitée et en aucun cas remplacer totalement l’écriture (sauf dans le cas de pathologies lourdes).